dimanche 26 décembre 2010

"Qu'ils s'en aillent tous" de Jean-Luc Mélenchon

Vendredi, Jean-Luc Mélenchon écrivait sur son blog : "Il s’est vendu 43 000 exemplaires de mon livre "Qu’ils s’en aillent tous". Donc, j’ai du être dans pas mal de sabots de Noël".
Je ne sais pas où sont les 42 999 autres exemplaires mais je suis au moins sûr qu'un de ses livres a été offert pour Noël. En effet, j'ai reçu ce livre pour les fêtes de la part de ... moi-même. Et oui, j'ai bien le droit de me faire des cadeaux de temps en temps, non ?
Bref, après avoir dévoré cet ouvrage en quelques heures, je vous livre mes remarques :
 
Avant de rentrer dans le vif du sujet, il me semble important de s'intéresser tout d'abord au personnage qu'est le sieur Mélenchon. En effet, il faut bien reconnaître que Jean-Luc Mélenchon tranche avec la plupart des hommes politiques actuels. Je pense notamment à son style de langage qui est souvent peu soutenu voire même parfois familier. En outre, on peut remarquer que cet homme est clairement dans la provocation. Il fait le buzz (ou ramdam en français) et le show sur les plateaux, ce qui explique son succès médiatique.
A titre personnel, j'ai une certaine affection pour Mélenchon. Je dois même dire que je partage une partie de ses idées. En revanche, je regrette son côté démesuré, exagéré.
Enfin, il me semble dommageable de rester enfermer dans une logique d'affrontement gauche/droite, comme l'est également Jean-Pierre Chevènement. Effectivement, pour ces deux hommes, la gauche semble être la panacée et le rassemblement des "forces de gauche" un objectif à atteindre. Or je crois, comme bien d'autres, que ce référentiel est erroné et qu'il convient alors de réinitialiser le logiciel de pensée. De fait, Mélenchon et Chevènement refuse toute alliance avec Nicolas Dupont-Aignan au seul prétexte que ce dernier est issu de la droite alors même que leurs programmes possèdent de fortes similarités.
 
Mais revenons-en au livre en tant que tel et en premier lieu sur le titre. Pour rappel, l'ouvrage est intitulé " qu'ils s'en aillent tous". Ce titre souligne donc bien le sens de la provocation de l'auteur. Toutefois, je trouve cela paradoxal dans la mesure où le président du Parti de Gauche appartient au système qu'il veut renverser. En effet, celui-ci est actuellement député européen mais il a également été sénateur, ministre, conseiller municipal et conseiller général.
 
Entrons maintenant davantage dans le contenu et le fond du livre.
Rapidement, Jean-Luc Mélenchon nous explique qu'il souhaite, en cas d'accession au pouvoir, rédiger une nouvelle Constitution par le biais d'une assemblée constituante comme cela avait été le cas en 1789 suite à la Révolution française. Pour justifier cela, il s'appuie sur le cas des pays d'Amérique Latine qui ont fait de même afin de redonner une certaine légitimité aux institutions. De plus, il invoque le fait que notre Constitution a été modifiée à de nombreuses reprises depuis 1958, requérant ainsi une remise à plat.
En somme, Mélenchon nous propose tout bonnement une VIème République. Voila mon premier point de désaccord, et il n'est pas des moindres. Comme je l'ai exprimé dans de précédents articles, je suis fortement attaché à notre régime politique hérité du général de Gaulle. Il s'agit là d'un régime stable qui a fait ses preuves dans la durée et a permis à chaque président de disposer d'une certaine marge de manoeuvre. Alors bien sûr les dirigeants successifs ont remodelé cette Constitution afin de l'arranger à leur sauce. Néanmoins, je ne suis pas convaincu par la nécessité d'une nouvelle République. En outre, rien n'empêche un retour à la forme originelle de notre Constitution si cela est réellement nécessaire.
 
Tout au long du livre, Mélenchon donne beaucoup de chiffres afin d'appuyer ses propos. C'est notamment le cas lorsqu'il explique que les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. Il en arrive alors à la conclusion qu'il faut taxer davantage les riches, qui sont selon lui, tous pourris et en particulier les grands patrons qui ont des salaires mirobolants alors même qu'ils exploitent la misère humaine.
Il émet alors deux idées. La première n'est pas nouvelle et consiste en l'instauration d'un salaire maximum calculé sur la base de  vingt fois la rémunération la plus faible dans l'entreprise. Personnellement, je suis favorable à un tel dispositif mais toute la difficulté réside dans la fixation du coefficient multiplicateur. Pour moi, celui-ci doit être déterminé au sein de chaque secteur d'activité voire même chaque entreprise afin de tenir compte de leurs spécificités propres.
La seconde proposition est de mettre en place un salaire maximum au niveau national. Ce dernier serait fixé à environ 350 000 € par an soit environ 30 000 € par mois. La partie supérieure à ce montant serait alors taxée à 100 %, soit comme le dit Mélenchon lui-même, "je prends tout". Selon lui, cela concernerait seulement 0,05 % des contribuables soit tout au plus 15 000 personnes. Alors bien sur dit comme cela, l'idée peut rebuter. Néanmoins, il faut savoir que le taux de 100 % concerne la dernière de l'impôt sur le revenu. Or Mélenchon propose de rétablir une vraie progressivité de cet impôt par la restauration de plusieurs tranches. Il faudrait alors voir cette proposition dans son intégralité afin de juger de sa pertinence. Pour le moment, je reste donc sceptique.
 
Autre grand adversaire de Mélenchon : les médias. Le président du Parti de Gauche est en effet bien connu pour la grande affection qu'il porte aux journalistes, les considérants au service d'intérêts politiques et financiers. Pour lutter contre cela mais aussi contre la coaptation dans ce milieu et surtout pour revenir sur la réforme de Nicolas Sarkozy, l'auteur propose de faire élire le président de France télévision par les citoyens.
Alors là c'est le pompon ! Je trouve cette idée complètement stupide et contre-productive pour au moins deux raisons. La première est que la plupart des Français ne savent même pas qui est le président de France télé et s'en contrefichent au plus haut point. La seconde est que les citoyens ne se déplacent déjà pas pour élire leur président, leur député ou encore leur maire, ces élections connaissant des taux d'abstention record. On peut alors supposer, à raison, que cette élection connaîtra le même sort. En outre, si l'on pousse le raisonnement de Mélenchon plus loin, on pourrait très bien décider d'élire également les membres du CSA ou ceux du conseil constitutionnel, permettant ainsi de réduire les risques de collusion. Mais cela deviendrait vite ingérable. D'ailleurs, je suis persuadé que les Français ont d'autres soucis que ses considérations futiles.
 
Jean-Luc Mélenchon consacre ensuite un chapitre à l'Union Européenne. Il y fait alors une longue critique de cette europe : déni de démocratie, libéralisme à outrance, casse de la souveraineté populaire ... Ce mea culpa est rassurant car rappelons que Mélenchon était un européiste et un fédéraliste convaincu qui voyait en l'UE la solution à tous nos problèmes. Ce changement de cap est donc encourageant car il prouve qu'il nous est possible de convaincre et surtout que le vent tourne. D'ailleurs, on voit apparaître de plus en plus d'articles sur la sortie de l'euro, sur les limites de cette europe ... Preuve que nos idées gagnent du terrain.
 
Le livre continue avec le thème de l'écologie qui semble cher au Parti de Gauche. On y trouve notamment une remise en cause du libre échange avec l'explosion des flux de biens des pays de production vers les pays de consommation. Il en conclue alors qu'il faut une relocalisation de l'économie et du tissu industriel, notamment par le biais du protectionnisme. Néanmoins, ce mot n'apparaît pas clairement dans le texte bien qu'il soit fortement suggéré. En fait, j'ai l'impression que le terme "protectionnisme" est à la gauche ce que le nom "Voldemort" est aux sorciers dans Harry Potter : un mot qu'il ne faut pas prononcer sous peine de voir s'abattre de grands malheurs. Ainsi, le PS refuse également ce terme et lui préfère celui de juste échange.
Pour moi, il faut appeler un chat un chat. Le protectionnisme n'est pas un vilain mot ni une notion à bannir de notre système de pensée. Au contraire, les Etats-Unis et la Chine l'utilisent depuis des décennies. Malheureusement, en France, nos bien-pensants cherchent à nous culpabiliser avec la même rengaine depuis des lustres : le protectionnisme c'est la guerre. Il me semble donc grand temps de donner un coup de pied dans la fourmilière et d'abandonner le politiquement correct afin de recouvrer une pleine et entière liberté d'action.
 
Au chapitre international, Mélenchon semble faire une découverte : l'armée américaine défend les intérêts américains. Incroyable, non ? Même si la France a renoncé à le faire, il est tout à fait normal pour une nation de chercher à défendre ses propres intérêts. La Chine en est le parfait exemple.
On peut toutefois remarquer que dans notre pays, il est difficile d'affirmer son attachement à son pays sans être traité dans la seconde qui suit de facho, de raciste, de membre du FN ou d'autres qualificatifs du même genre. Alors bien sûr le Front national s'est emparé du thème de la nation mais ce parti n'en a pas le monopole. De plus, cela a été possible uniquement car les autres partis ont abandonné ce sujet. De fait, la gauche est enfermée dans un internationalisme complètement dépassé et la droite orléaniste, "financière" se complaît dans la mondialisation et le libre échange intégral qui conduisent à un effacement progressif des Etats.
 
Quelques pages plus loin, l'auteur souhaite que la France s'affranchisse des Etats-Unis tout en créant des liens avec d'autres nations et notamment la Chine. Pourquoi pas ? Le monde est aujourd'hui multipolaire et il est stupide voire dangereux faire allégeance à un autre Etat quel qu'il soit. Néanmoins, les partenariats doivent être faits d'égal à égal. Cela implique donc d'établir le contact de manière directe, sans passer par l'Union Européenne. De même, cela ne doit pas conduire à se coucher ni à avaler des couleuvres comme le fait actuellement la France sous la présidence Sarkozy. Notre pays doit disposer d'une diplomatie forte et indépendante, ce qui nécessite évidemment des crédits dont elle ne dispose pas aujourd'hui.
 
Au final, j'avoue avoir été quelque peu déçu par ce livre. Peut-être est-ce dû au fait que je m'attendais à davantage de propositions, voire à une ébauche de programme pour 2012 ? Toutefois, celui-ci m'a permis de mieux connaître son auteur.
A l'issue de cette lecture, deux idées fortes se dégagent. La première est que Mélenchon veut, je cite, une "révolution citoyenne".  Il souhaite donc, contrairement à l'extrême gauche traditionnelle, accéder au pouvoir et exercer des responsabilités. De plus, il veut impliquer de manière massive, et parfois excessive, le peuple dans sa révolution afin de s'assurer d'un soutien et d'une légitimité. Les urnes seront donc son principal outil, ce qui explique sa stratégie du Front de Gauche.
Le deuxième point est que Mélenchon remet au goût du jour la notion de lutte des classes. Cela n'est évidemment pas écrit dans son livre mais on peut le percevoir assez clairement en filigrane. Ainsi, à de nombreuses reprises, il cherche à opposer le peuple aux médias, puis le peuple aux politiques, puis le peuple aux grands patrons. Bref, on a l'impression que le peuple français est opprimé par les élites de la nation. C'est d'ailleurs cela qui lui a valu le qualificatif de populiste.
 
Pour conclure, je ne recommande pas ce livre car celui-ci n'apporte rien de particulier. Il ne s'agit en fait que de la reprise, plutôt brouillonne, de ses grands chevaux de bataille. Rien de nouveau donc pour celles et ceux qui suivent assez régulièrement les interventions du président du Parti de Gauche.

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